DROUOT – RICHELIEU
9, rue Drouot – 75009 Paris
6 Mai 2011
EXPERT
Martine HOUZE
ETUDE
FERRI & Associés
Catalogue PDF
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C’est en 1980 que je fis la connaissance de Monique et Jacques Hannotte. Je recherchais alors, en vue d’une exposition dans le cadre de l’année du Patrimoine, à emprunter des meubles et des objets provenant du Queyras. J’avais été présentée par Monique et Claude Bridard, qui tenaient boutique à l’enseigne de L’Acrostiche au village suisse. Les Hannotte me confièrent sans hésitation les dix pièces les plus précieuses de leur collection, dont cette exceptionnelle petite armoire à bâtière du XVIIe siècle provenant de Pierre-Grosse.
Chineur, collectionneur et restaurateur de meubles alpins, Jacques Hannotte a sillonné le Queyras pendant près de 40 ans. Il se plaît à manier les noms rares et oubliés des objets, à décrire les gestes de leur usage perdu ou détourné. Et l’économie de moyens dont les paysans ont fait preuve pour arracher leur subsistance à la terre l’étonne encore.
Si l’art populaire des autres régions est souvent muet – anonyme et sans précision de date – , dans le Queyras, on ne trouve pratiquement pas d’objets ou d’outils, même les plus simples, qui ne soient personnalisés, sans doute pour mieux se les approprier. Cette inclination pour graver les dates, monogrammes, signatures, dédicaces ou sentences tient en grande partie au fait que la scolarisation existe dans cette région depuis le XVIe siècle. Le pouvoir de l’écriture n’était pas réservé à une caste de lettrés. Ainsi, du XVIIIe siècle au milieu du XIXe siècle, le nord des Hautes-Alpes constituait un vivier de maîtres d’école qui partaient se louer dans les plaines à la morte-saison.
Si les objets de la collection Hannotte témoignent de ce contexte particulier, ils se distinguent aussi par un je-ne-sais-quoi de plus accompli, de plus émouvant. Ces formes, reconduites d’âge en âge, défient le temps et s’imposent à nous par leur qualité plastique.
La pale à chaume entaillée, tel un damier, se joue des pleins et des vides, et affirme ainsi qu’elle n’est pas seulement outil, mais sculpture. Et parmi les oeuvres populaires, celles qui sont stigmatisées ou polies par un usage répété gagnent à nos yeux une charge affective encore plus grande.
Martine Houze